Journée internationale du sommeil : la recherche ne s'endort pas !
Journée internationale du sommeil (22/03) : la recherche ne s'endort pas !
A quelques jours de la journée internationale du sommeil (22/03), l'UCL et les Cliniques universitaires Saint-Luc ont organisé un déjeuner de presse afin de présenter diverses recherches menées sur cette thématique qui préoccupe tous les Belges. Une certitude : la recherche dans ce domaine est dynamique et poursuit inlassablement la quête de nouveaux résultats destinés à traiter des troubles qui touchent la population, à tout âge.
Diminution de la fréquence de la mort subite du nourrisson... pourquoi rester vigilant ?
De tout temps, les parents ont eu la crainte de retrouver leur bébé inanimé et sans vie dans son berceau. Quand il s'agit d'un nourrisson et que le décès reste inexpliqué, on parle de Mort Subite du Nourrisson (MSN). L'incidence de la MSN a diminué progressivement au cours des dernières années. Même si les chiffres sont mal connus de façon précise en Belgique, on peut estimer que l'incidence se situe aux environs de 0.5%. Même si ce chiffre est faible, environ 60 enfants sont touchés chaque année et cela reste un événement dramatique pour une famille. Cette diminution de fréquence est liée, d'une part, à l'identification de facteurs de risque et, d'autre part aux campagnes de sensibilisation et de prévention, notamment au niveau de l'environnement et des conditions de couchage de l'enfant.
Les conseils principaux sont: coucher les bébés sur le dos, éviter les pièces trop chauffées et l'excès de vêtements ou de couvertures, ne pas fumer pendant la grossesse, ni près de l'enfant après l'accouchement, ne pas donner de médications à effet sédatif... L'impact des campagnes sur le tabagisme est faible même si les études sur les effets nocifs du tabac foisonnent. Changer ce type de comportement est plus difficile que de changer la position de sommeil. L'action à mener dans ce domaine se situe vraisemblablement à un niveau plus large, au niveau politique et au niveau des medias et de la publicité.
Il est donc important de poursuivre les mesures de prévention mais aussi d'être vigilant par rapport à d'autres facteurs de risque comme le partage du lit des parents appelé aussi Ğ bed sharing ğ ou Ğ co-sleeping ğ. Cette pratique, en augmentation aujourd'hui, n'est pas sans danger pour le nourrisson.
Un autre aspect concerne la surveillance à domicile de certains nourrissons considérés comme à risque pour le sommeil : les prématurés à la sortie de néonatologie, des enfants avec une immaturité des contrôles cardiorespiratoires ou des apnées obstructives, des enfants présentant un épisode de malaise grave mettant leur vie en danger, des enfants Ğ fratries ğ (frère ou soeur d'un enfant décédé). Actuellement, ces enfants peuvent bénéficier d'une surveillance durant le sommeil avec un monitoring cardiorespiratoire dont les frais sont couverts par la mutuelle. L'INAMI propose des mesures drastiques de réduction de cette prise en charge, tant au niveau du montant de remboursement que des indications. Nous, les médecins, sommes inquiets pour la future prise en charge et la sécurité de ces petits patients. Il serait dommage de voir réaugmenter l'incidence de la MSN.
L'incidence de la mort subite du nourrisson a diminué drastiquement ces dernières années mais il persiste des facteurs de risque. Et, actuellement l'incidence ne diminue plus. Certaines causes sont connues mais nous avons encore de nombreuses questions sur les mécanismes proprement dits. Il est donc important de poursuivre le travail de prévention et la diffusion de tous les messages pour la sécurité du sommeil mais aussi de continuer les recherches et les études cliniques, épidémiologiques et scientifiques.
Plus d'infos sur le sujet :
Geneviève François, responsable du centre du sommeil pédiatrique, service de pédiatrie générale
des Cliniques universitaires Saint-Luc, genevieve.francois@uclouvain.be
Evaluation de la sévérité du somnambulisme de l'adulte par la vidéo
Les pneumologues sont souvent confrontés, en consultation, à des plaintes de somnolence et de fatigue diurne consécutives à de mauvais sommeils. Les parasomnies constituent l'ensemble des mouvements anormaux survenant durant le sommeil. Celles-ci peuvent être méconnues par le patient, sous-évaluées en laboratoire et parfois associées à d'autres troubles du sommeil. Leur impact sur le quotidien et le conjoint ne sont pas négligeables.
Le Dr Benny Mwenge étudie deux types de parasomnies : le somnambulisme de l'adulte et les mouvements périodiques des membres inférieurs dans le traitement du syndrome des apnées du sommeil.
Somnambulisme :Le somnambulisme est une pathologie fréquente chez l'enfant et souvent bénigne, qui disparait avec l'âge. Il se caractérise par des éveils lors du sommeil profond survenant essentiellement en début de nuit. Cependant, ces troubles peuvent persister à l'âge adulte et occasionner une importante fatigue en journée. La sévérité du somnambulisme est déterminante dans la prise en charge du traitement qui diffère selon la gravité et les répercussions diurnes.
L'un des outils diagnostiques couramment utilisé à ce jour est la vidéo polysomnographie CAD, soit un examen du sommeil comprenant une vidéo associée à un enregistrement de l'activité cérébrale afin de déterminer les différentes phases de sommeil. Le Dr Benny Mwenge a comparé cet outil diagnostique standard à des vidéos réalisées au domicile d'une patiente ainsi que hors de son environnement habituel afin d'évaluer les répercussions que pouvaient avoir les épisodes de somnambulisme dans l'environnement naturel de la patiente : - les épisodes d'éveils au laboratoire sont aussi fréquents qu'à domicile, mais sont souvent plus simples (CAD simple) : redressements de la tête, éveils confusionnels avec rendormissement immédiat. En comparaison, dans l'environnement naturel de la patiente, ces épisodes sont parfois plus complexe (déambulation) ; - 40 % des épisodes réveillent le conjoint et 20 % des épisodes sont induits par de simples mouvements du conjoint.
En conclusion : la vidéo réalisée au domicile s'avère un outil plus efficace et précis pour évaluer le somnambulisme de l'adulte car la sévérité et les répercussions de ces épisodes sont souvent sous-évaluées au laboratoire du sommeil.
Les mouvements périodiques des membres inférieurs dans le syndrome des apnées du sommeil :
Le syndrome des apnées du sommeil est une maladie grave et mortelle au long cours en raison des
complications cardiovasculaires qui en découlent. Caractérisé par un relâchement des muscles de la gorge
survenant durant le sommeil, ce syndrome concerne 3 à 5 % de la population belge.
Le traitement conventionnel est la CPAP : un appareil permettant de délivrer de l'air à une pression donnée
dans la gorge afin d'éviter cet effondrement et administré à l'aide d'un masque nasal. Ce traitement est efficace
sur les symptômes (somnolence) et les conséquences cardiovasculaires sur le long terme. Malheureusement, 70
% des patients ne le tolèrent pas.
Au cours de ses recherches, Benny Mwenge a remarqué que certains patients avaient durant leur sommeil des
petits mouvements des membres inférieurs - ceux-ci ne subissent habituellement aucune modification au cours
du temps - qui subissaient une variation lorsque la CPAP était administrée. Ces mouvements augmentaient,
diminuaient ou restaient inchangés.
La chercheuse a donc suivi, pendant un an, tous ces patients traités par CPAP afin de déterminer si ces variations
des mouvements des membres inférieurs (parfois jusque 100 mouvements par heure) pouvaient influencer
l'observance du traitement. Cette étude lui a permis de conclure que ces mouvements périodiques étaient des
épiphénomènes et n'influençaient en rien l'observance du traitement et ne devaient pas être pris en compte.
Plus d'infos sur le sujet :
Benny Mwenge, chercheuse au centre du sommeil, service de pneumologie des Cliniques
universitaires Saint-Luc, gimbada.mwenge@uclouvain.be
Les apnées du sommeil : leur traitement chirurgical et la neurostimulation
Le syndrome d'apnée liée au sommeil (SAS) est une pathologie fréquente du sommeil chez l'adulte : elle touche environ 4% des hommes et 2% des femmes, essentiellement dans la tranche d'âge entre 40 et 65 ans. Elle est liée à l'indice de masse corporelle. En Belgique, cela représente 100.000 personnes.
Qu'est-ce qu'une apnée du sommeil ?
Pendant le sommeil, la langue (composée de muscles) perd son tonus. L'apnée se produit lorsque la langue est
aspirée par la pression inspiratoire de la gorge et bouche le pharynx, empêchant alors la respiration.
La pathologie se caractérise par un collapsus des voies respiratoires durant le sommeil, menant à une diminution de l'oxygénation au niveau sanguin. Il s'en suit de nombreuses complications, morbidités et symptômes tels que fatigue, somnolence, nuits peu réparatrices, ronflement, etc. Lorsque le nombre d'apnées s'élève à 25-30 fois par heure de sommeil, il peut y avoir des répercussions sur la santé à long terme (pathologies cardiovasculaires, altération de la qualité de vie, somnolence diurne, accidents de la route, etc.)
Les traitements disponibles
Les traitements sont multiples : perte de poids, masque à pression positive nasale ou chirurgie. Lorsqu'un
diagnostic de syndrome d'apnée de forme obstructive liée au sommeil est posé, un traitement par un masque à
pression positive continue nasale (CPAP) est proposé au patient. Ce dernier devra alors porter un masque
nasal la nuit, pendant son sommeil.
Ce type de traitement est très contraignant, mais a démontré son efficacité dans la quasi-totalité des cas : il
normalise le sommeil, fait disparaître les apnées et ses conséquences à court et à long terme. Il est généralement
bien accepté par les patients qui, après l'avoir utilisé, regagnent en qualité de sommeil et en qualité de vie diurne.
Des interventions chirurgicales existent également pour traiter le ronflement (par radiofréquence) ou pour empêcher le collapsus des voies respiratoires et les élargir.
La neurostimulation constitue une autre alternative. Cette approche se base sur la stimulation de muscles de la langue durant la nuit, en leur redonnant le tonus qu'ils perdent durant le sommeil et en maintenant perméables ainsi les voies respiratoires. En pratique, la technique consiste à stimuler le nerf hypoglosse - le nerf moteur de la langue - via une électrode placée dans le cou autour du tronc principal du nerf, et connectée par voie chirurgicale à un boîtier implanté au niveau du thorax. Le boîtier envoie une impulsion dans l'électrode qui stimule le nerf de la langue toute la nuit. Cette stimulation n'est pas douloureuse et n'interrompt pas le sommeil du patient. Celui-ci reçoit une télécommande qui lui permet d'activer le boîtier avant de se coucher et de l'éteindre au lever.
Trois protocoles d'études sont actuellement en cours aux Cliniques universitaires Saint-Luc en partenariat avec des sociétés américaines (Imthera - San Diego) et belges. L'expérience grandit dans ce domaine et les résultats sont plus qu'encourageants.
Plus d'infos sur le sujet :
Philippe Rombaux, chef du Service d'ORL aux Cliniques universitaires Saint-Luc,
philippe.rombaux@uclouvain.be