Les beaux jours reviennent... Attention au mélanome !
Les beaux jours reviennent... Attention au mélanome !
A l'approche de l'été, l'UCL et les Cliniques universitaires Saint-Luc ont fait le point sur les nombreuses recherches qu'elles mènent conjointement sur le mélanome lors d'un déjeuner presse organisé ce 5 mai.
Le dépistage précoce du mélanome permet d'améliorer la qualité de vie des patients et de réduire les coûts de prise en charge
Le mélanome cutané est une tumeur potentiellement très agressive. Cependant, dans une grande majorité de cas, elle évolue d'abord lentement pendant plusieurs mois, voire un petit nombre d'années, tout en restant, à ce stade, guérissable par simple chirurgie. La mission du dermatologue est de dépister ces mélanomes débutants tout en évitant de traiter inutilement toute lésion pigmentée un peu curieuse (ce qui est coûteux en termes financiers pour la société mais aussi en termes de cicatrices et d'éventuelle perte de confiance pour le patient).
La dermoscopie permet à la fois de mieux dépister le mélanome débutant et de rassurer le patient à propos des lésions pigmentées bénignes. La plupart des dermatologues utilisent un dermoscope manuel qui permet d'observer des caractéristiques de la lésion invisibles à l'oeil nu. L'interprétation des images observées nécessite une formation spécifique. Certains centres spécialisés, comme la Clinique du Mélanome des Cliniques universitaires Saint-Luc, sont en outre équipés pour réaliser la dermoscopie digitalisée : les lésions sont enregistrées et comparées dans le temps. Les patients qui présentent un grand nombre de grains de beauté irréguliers bénéficient d'une cartographie de l'ensemble de la peau par dermoscopie digitalisée de façon annuelle ou bisannuelle. Cet examen est remboursé en Belgique depuis le 1/3/2014 pour les patients à haut risque de mélanome. L'appareillage est également utilisé au quotidien pour l'observation et l'enregistrement de lésions uniques qui ne sont que très modérément suspectes. Sans dermoscopie digitalisée, ces lésions seraient excisées. Grâce à cette technique, l'image dermoscopique est enregistrée, puis revue après 3 et 12 mois. Une grande majorité de patients évitent ainsi de recourir à la chirurgie.
La recherche d'Isabelle Tromme est actuellement centrée sur les résultats obtenus grâce à la dermoscopie,
avec ou sans formation suffisante du dermatologue à la technique, et sur les résultats obtenus quand le
dermatologue a la possibilité de recourir à la dermoscopie digitalisée lorsqu'il l'estime nécessaire. Ses
conclusions :
- l'utilisation de la dermoscopie manuelle par des dermatologues correctement formés à la technique
permet de dépister les mélanomes statistiquement plus tôt ; elle permet également de diminuer le
nombre d'excisions inutiles, bien que ce résultat soit statistiquement Ğ limite ğ (marge d'erreur de 10%) ;
- le fait d'avoir accès à la dermoscopie digitalisée permet de diviser par quatre le nombre d'excisions
inutiles ; les mélanomes diagnostiqués sont toujours très débutants.
En termes d'économie de la santé, Isabelle Tromme a démontré que si la dermoscopie digitalisée était remboursée pour tous les patients, son utilisation permettrait à l'INAMI de faire des économies substantielles, le coût de ce remboursement étant largement compensé par l'économie des chirurgies inutiles. Par ailleurs, elle travaille actuellement sur une étude coût-efficacité de la dermoscopie manuelle. Les mélanomes diagnostiqués plus tôt, notamment grâce à la dermoscopie mais aussi grâce aux campagnes de sensibilisation, ont un meilleur pronostic et nécessitent un traitement et un suivi moins lourds. L'efficacité d'une méthode diagnostique se mesure en termes de décès évités mais également en termes d'amélioration de la qualité de vie. Isabelle Tromme et son équipe ont donc été amenés à devoir mesurer la qualité de vie des patients selon le stade de mélanome dont ils souffraient.
La qualité de vie moyenne des patients atteints de mélanome est, de façon logique, moins bonne au fur et à mesure que des traitements plus lourds sont préconisés, en particulier à partir du stade où le patient doit subir un curage (ou évidement) ganglionnaire. Cependant, il est frappant de remarquer que, à tous les stades de la maladie, près de la moitié des patients atteints de mélanome sont anxieux ou dépressifs à cause de leur mélanome, ceci au moins durant les deux ans qui suivent le diagnostic de celuici.
Plus d'infos sur le sujet :
Isabelle Tromme, dermatologue responsable de la Clinique du mélanome aux
Cliniques universitaires Saint-Luc: 02 764 14 72
Un espoir de guérison pour les patients atteints d'un mélanome cutané ?
L'incidence du mélanome cutané ne cesse d'augmenter ces dernières décades. Et si rien ne change, l'OMS prévoit que le mélanome devienne la quatrième cause de cancer d'ici 2050. Heureusement, la guérison est possible dans la plupart des cas grâce à un diagnostic précoce. Cependant, il arrive que le mélanome soit diagnostiqué tardivement ou qu'il récidive. C'est la première cause de mortalité par cancer chez les personnes jeunes. Le Registre du Cancer estime que chaque jour, en Belgique, une personne meurt d'un mélanome métastatique. Récemment, les progrès dans deux modalités thérapeutiques différentes (les thérapies ciblées et l'immunothérapie) ont changé le pronostic de ces patients.
Les mélanocytes sont localisés dans la couche basale de la peau. Leur fonction est de produire un pigment naturel, la mélanine, qui va absorber les rayons ultraviolets. Sous l'action des UV, les mélanocytes vont croire et produire la mélanine. Ce processus se fait par l'activation d'un récepteur qui va transmettre, via une cascade de protéine, cette information jusqu'aux promoteurs de gènes qui seront activés ou pas. La prolifération des mélanocytes est bien contrôlée. Malheureusement, il peut arriver que des mutations apparaissent. Certaines mutations impliquées dans la transduction du signal peuvent conduire à une activation permanente de la cellule et ce indépendamment du signal reçu. Par exemple, 50% des mélanomes ont une mutation activatrice dans BRAF qui est un membre de cette cascade d'activation. Ceci conduit à une prolifération incontrôlée de ces cellules. L'industrie pharmaceutique a développé des médicaments inhibant la protéine BRAF mutée, il s'agit du vemurafenib et du dabrafenib, ce sont des thérapies ciblées. La moitié des patients atteints d'un mélanome métastatique BRAF muté vont répondre à ces traitements. Cette réponse apparaît rapidement et permet donc la prévention de décès précoce chez ces patients. Malheureusement la durée moyenne d'efficacité de ces traitements est entre 5,5 et 7 mois.
Grâce aux travaux de l'équipe du Pr Thierry Boon de l'UCL, les bases de l'immunothérapie ont été établies. Les chercheurs ont découvert que les cellules tumorales sont antigéniques (elles expriment des antigènes) et elles sont immunogéniques (capables d'induire une réponse immunitaire T). Sur cette base, le Dr Jean- François Baurain et son équipe ont réalisé de nombreux essais cliniques de vaccination contre ces antigènes tumoraux afin d'induire une nouvelle immunité contre ces antigènes. Ces vaccins ont eu peu d'effets secondaires. Malheureusement, moins d'un pourcent de ces patients vaccinés semblent être guéris de leur mélanome métastatique. Une autre stratégie est celle visant à réveiller les lymphocytes antitumoraux des patients. Les lymphocytes lorsqu'ils sont activés expriment des molécules à leurs surfaces tels que le CTLA-4. L'activation du CTLA-4 va inhiber le lymphocyte. L'ipilimumab est un anticorps monoclonal qui va bloquer l'inactivation des lymphocytes. Ce médicament donne des résultats impressionnants dans le mélanome cutané. 20% des patients atteints d'un mélanome métastatique sont toujours en vie à 3 ans. L'équipe du Dr Baurain a, pour la première fois, l'impression d'avoir une thérapeutique permettant de guérir certains patients. Il reste à comprendre pourquoi certains patients ne répondent pas à ces thérapeutiques. Certains mécanismes ont été identifiés et des médicaments ciblant ces mécanismes sont testés en clinique. Cela fait l'objet de nouvelles recherches.
Plus d'infos sur le sujet :
Jean-François Baurain, oncologue médical au Centre du cancer et d'hématologie des Cliniques
universitaires Saint-Luc - jean-francois.baurain@uclouvain.be
Immunothérapie du cancer : comment augmenter son efficacité ?
Des patients atteints de mélanome et d'autres cancers bénéficient depuis peu de nouveaux traitements basés sur la stimulation de leur propre système immunitaire. Ces traitements, appelés Ğ immunothérapie ğ, ont été développés en grande partie sur la base de découvertes effectuées à l'UCL. Ils consistent à stimuler l'activité de globules blancs appelés lymphocytes T. En effet, des recherches menées à l'UCL depuis les années '80 ont démontré que beaucoup de patients cancéreux avaient des lymphocytes T capables de reconnaître leurs cellules cancéreuses et de les détruire. Les cellules cancéreuses sont reconnues parce qu'elles portent à leur surface des marqueurs, appelés 'antigènes tumoraux', qui les distinguent des cellules normales. Les chercheurs de l'UCL, et en particulier le Pr Thierry Boon, ont identifié ces 'antigènes tumoraux', ouvrant ainsi la porte à plusieurs types de traitements d'immunothérapie du cancer. Ils consistent soit à vacciner les patients contre ces antigènes pour leur faire produire plus de lymphocytes T anti-tumoraux, soit à produire de tels lymphocytes en laboratoire avant de les injecter au malade, soit enfin à réactiver les lymphocytes anti-tumoraux qui sont déjà présents chez le malade. Aujourd'hui, c'est cette dernière approche qui est la plus avancée et qui donne des résultats dans le mélanome. En effet, elle permet, pour la première fois, de faire disparaître les tumeurs chez des patients atteints de mélanome avancé, au stade de métastases.
Les recherches actuelles des chercheurs UCL visent à comprendre pourquoi ces traitements sont efficaces chez certains patients et pas chez d'autres. Le but des chercheurs est d'augmenter leur efficacité afin d'en faire bénéficier un maximum de patients. Pour détruire une tumeur cancéreuse, les lymphocytes anti-tumoraux doivent se rassembler au sein de cette tumeur afin de tuer les cellules cancéreuses. Or, les chercheurs observent que lorsqu'ils se trouvent au sein de la tumeur, bien souvent ces lymphocytes ne fonctionnent plus bien et deviennent progressivement incapables de tuer les cellules cancéreuses. Plusieurs mécanismes peuvent expliquer cette inefficacité. L'un d'entre eux intéresse particulièrement les chercheurs UCL.
Pierre Coulie et Benoît Van den Eynde et leurs équipes ont trouvé que souvent les tumeurs cancéreuses se protègent contre l'attaque des lymphocytes T en produisant un enzyme qui détruit le tryptophane. Le tryptophane est un acide aminé qui est un composant essentiel de nos protéines. Les lymphocytes T ont un besoin crucial de tryptophane pour fonctionner correctement. En détruisant le tryptophane, les cellules cancéreuses qui expriment cet enzyme, appelé IDO (indoleamine dioxygénase), appauvrissent le milieu environnant en tryptophane, ce qui a pour effet de paralyser les lymphocytes antitumoraux. Les chercheurs UCL ont ensuite mené une recherche pour trouver des médicaments capables d'inhiber l'IDO, afin de stopper cette destruction de tryptophane et de réactiver les lymphocytes antitumoraux. Ils ont montré chez l'animal que de tels médicaments sont de capables de restaurer l'activité des lymphocytes anti-tumoraux et d'induire le rejet des tumeurs. Une spin-off a même été créée, suite à ces recherches, afin de poursuivre le développement de ces médicaments jusqu'à leur utilisation en clinique. Cette spin-off de l'UCL, appelée iTeos Therapeutics, a été créée en 2012 et emploie aujourd'hui 25 chercheurs.