Préserver la fertilité des enfants
Préserver la fertilité des enfants
Saint-Luc est à la pointe dans le domaine de la préservation de la fertilité des patients bénéficiant d'un traitement potentiellement toxique pour leurs ovaires ou leurs testicules. Y compris chez les enfants... Explications.
Les traitements anticancer permettent de sauver de nombreuses vies, mais ils ne sont pas dépourvus d'effets secondaires. Ainsi, la chimiothérapie et la radiothérapie peuvent être toxiques pour les ovaires et les testicules, et donc compromettre les chances des patient(e)s d'avoir des enfants un jour. La préservation de leur fertilité future est donc devenue une préoccupation importante du corps médical. Bonne nouvelle : des solutions existent déjà et d'autres sont à l'étude !
La solution? La cryopréservation
La cryopréservation permet de conserver par le froid
des cellules ou des tissus sur de longues périodes.
Après la puberté, il est ainsi possible de récupérer les
ovules (chez les femmes après 16 ans) ou les spermatozoïdes
(chez les hommes) avant l'administration du
traitement. Celui-ci est dit
Ğgonadotoxiqueğ, car il
altère les gonades (c'est-à-dire
les ovaires et les testicules)
en même temps que
les cellules cancéreuses.
Ğ La congélation des spermatozoïdes
et des ovules
est d'ailleurs devenue une
technique routinière ğ,
explique le Pr Christine
Wyns, chef du Service
de gynécologie-andrologie
de Saint-Luc.
Une autre option pour les enfants
Le problème, c'est que cette
option-là n'est pas applicable
aux enfants, puisqu'ils n'ont pas
encore passé la puberté durant
laquelle les spermatozoïdes ou
les ovules deviennent matures et
peuvent alors remplir pleinement
leur fonction reproductive. Chez
ces jeunes patients, on propose
donc de prélever et de cryopréserver
un fragment de testicule ou
d'ovaire. Cette option est actuellement
proposée presque systématiquement
à tout enfant devant être
traité pour un cancer ou recevoir
un traitement gonadotoxique dans
le cadre de la prise en charge de
certaines pathologies non cancéreuses
(drépanocytose, maladies
auto-immunes, etc.). Plus tard,
le tissu cryopréservé pourra être
décongelé et, théoriquement,
greffé chez les patients en rémission.
Une fois regreffé, ce tissu
pourrait produire des cellules
reproductrices matures.
Quid chez les garçons ?
Si les résultats obtenus chez la
femme semblent encourageants(1),
le Pr Wyns souligne qu'Ğ à l'heure
actuelle, aucune des options
de restauration de la fertilité à
partir du tissu testiculaire
immature cryopréservé
n'a démontré son efficacité chez l'humain de
sexe masculin ğ. Ce qui ne
l'empêche pas, ses collaborateurs
et elle, de mener
des recherches sur la façon
dont on pourrait obtenir des
spermatozoïdes matures à
partir des cellules immatures !
Saint-Luc est d'ailleurs
l'un des premiers
centres au monde à avoir
développé la cryopréservation
du tissu testiculaire
immature et est à la pointe
de la recherche dans le
domaine de la restauration
de la fertilité à partir de ce
tissu.
De bons espoirs pour l'avenir
Ğ Actuellement, les recherches
dans ce domaine avancent vite et
les conditions de culture permettant
d'obtenir des spermatozoïdes
in vitro devraient être réunies prochainement ğ, explique le Pr Wyns.
Ğ Il restera à démontrer que ces
spermatozoïdes peuvent donner
naissance à des enfants en bonne
santé. ğ Les chercheurs tentent
également d'améliorer les conditions
de greffe du tissu testiculaire
décongelé et vont étudier sous
peu la transplantation des cellules
souches isolées (voir encadré).
Si la restauration de la fertilité à
partir de tissu ovarien ou testiculaire
immature est encore au stade
expérimental, elle n'en apporte
pas moins un espoir aux patients
confrontés à un risque de stérilité
future. Affaire à suivre.
Comment obtenir des spermatozoïdes matures ?
Trois options sont envisageables pour l'utilisation du tissu testiculaire
cryopréservé :
o La greffe du tissu testiculaire: dans ce cas, le fragment de tissu est repositionné
dans son entièreté. Cette option n'est toutefois pas envisageable pour les
patients qui présentent un risque de contamination de leur tissu testiculaire par
des cellules cancéreuses.
o La transplantation des cellules souches isolées : ces cellules, qui donneront
naissance aux spermatozoïdes, peuvent être isolées après décongélation du tissu
testiculaire, et transplantées chez l'homme jeune en rémission. Cette approche
permettrait une restauration naturelle de la fertilité.
o La maturation in vitro : il s'agit de réaliser le processus de spermatogenèse en
laboratoire, à partir des cellules souches contenues dans le tissu testiculaire
décongelé.
Les résultats obtenus dans les modèles animaux sont très encourageants, mais ne
sont pas encore applicables chez l'être humain.
Qu'est-ce que la spermatogenèse ?
Les spermatozoïdes sont produits à partir
des cellules souches testiculaires, les
spermatogonies. Une cellule souche est une
cellule précurseuse, capable de se transformer
en n'importe quelle cellule mature, dans ce
cas-ci, en spermatozoïde. Ce processus de
production des spermatozoïdes à partir des
spermatogonies est appelé spermatogenèse.
Bon à savoir
La Banque de tissu testiculaire immature de Saint-Luc a été créée en 2005. Elle compte plus d'une centaine de prélèvements testiculaires conservés dans de l'azote liquide. Environ 80% de ces prélèvements proviennent de jeunes patients atteints d'un cancer.
(1) Un enfant est né en novembre 2014 dans un autre hôpital bruxellois grâce à la greffe de tissu ovarien qui avait été prélevé sur une patiente prépubère.
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Article rédigé par Laurence Bockstaele, Extrait du Saint-Luc Magazine n°36 (décembre 2015 - janvier & février 2016)