Semaine du cerveau : Plongée dans les réseaux épileptiques
Un tiers des patients épileptiques sont dits « réfractaires » et nécessitent une résection chirurgicale de la zone du cerveau responsable des crises. Pour de plus en plus de patients, l’opération n’est pas possible à réaliser, ce qui requière d’autres prises en charge comme la neurostimulation. La recherche revêt une importance capitale pour le développement de ces alternatives mais aussi pour mieux comprendre le fonctionnement d’une pathologie de plus en plus considérée comme un réseau. Dans le cadre de la « Semaine du cerveau », focus sur plusieurs pistes explorées au Centre de l’épilepsie réfractaire des Cliniques Saint-Luc.
Maladie neurologique chronique, l’épilepsie entraine un impact psycho-médico-social majeur. 30% des patients sont « réfractaires » : les crises se poursuivent malgré la prise d’au moins 2 médicaments. Ils nécessitent une prise en charge neurochirurgicale consistant à enlever la zone du cerveau responsable des crises dans un centre expert. La localisation de cette zone est réalisée lors d’un bilan pré-chirurgical comprenant différents examens : électroencéphalographie (EEG) vidéo (enregistrement des activités du cerveau durant une semaine), IRM cérébral, PET-scan, examens neuropsychologiques, et un avis psychiatrique.
Malheureusement, de plus en plus de patients souffrent d’épilepsies non-lésionnelles et nécessitent des examens invasifs dont l’implantation d’électrodes dans le cerveau. En outre, la littérature médicale actuelle considère plus l’épilepsie comme un réseau plutôt qu’une pathologie focale.
La recherche s’avère dès lors primordiale pour mieux comprendre le fonctionnement de ces réseaux épileptiques, développer de nouvelles méthodes de localisation et investiguer d’autres modalités thérapeutiques. Le Centre de l’épilepsie réfractaire des Cliniques Saint-Luc, en collaboration avec l’Institut de neurosciences (IoNS) de l’UCLouvain, mène plusieurs projets d’études cliniques et fondamentales en ce sens.
Algorithmes d’analyse de l’EEG et imagerie au repos
Depuis quelques années, des algorithmes ont été développés afin de localiser plus précisément les zones épileptogènes responsables des crises à partir d’analyse d’IRM et de l’EEG. Une étude menée au sein du Service de neurologie pédiatrique (en collaboration avec la firme EPILOG) s’intéresse à cette méthode pour améliorer la prise en charge chirurgicale des épilepsies réfractaires chez les patients pédiatriques. Il s’agit d’un point crucial car les chirurgies menées chez les enfants épileptiques permettent un meilleur développement neuro-cognitif, en particulier chez les enfants libérés de crises après opération.
Un autre projet clinique en cours au sein du Service de neurochirurgie s’intéresse au fonctionnement des réseaux épileptiques en analysant les résultats d’examens d’imagerie réalisés au repos (Resting-state fMRI), c’est-à-dire sans crise épileptique provoquée.
Toujours en Neurochirurgie, l’équipe d’implantation a acquis en 2022 un bras robotisé de dernière génération permettant d’augmenter la stabilité mais également la précision des EGG invasifs. Cette intervention chirurgicale consiste à implanter directement dans le cerveau plusieurs électrodes afin d’enregistrer en détails l’activité cérébrale et potentiellement révéler des foyers d’épilepsie enfouis en profondeur. Le bras robotisé promet plus de sécurité ainsi qu’une information de meilleur qualité pour le diagnostic.
L’alternative de la neurostimulation
Lorsque la zone épileptogène n’a pu être localisée, est trop étendue ou se situe dans un endroit du cerveau lié à une fonction primaire (le langage par exemple), l’opération n’est pas envisageable et le patient est réorienté vers la neurostimulation telle que la stimulation du nerf vague (VNS). Malheureusement, les réponses à la VNS restent imprévisibles et très variables : 50% des patients verront leurs crises diminuer de moitié. Plusieurs études menées aux Cliniques Saint-Luc et l’UCLouvain visent à améliorer cette prise en charge. D’abord, plusieurs travaux tentent d’identifier des paramètres électrophysiologiques susceptibles d’aider à prédire les réponses à la VNS en se basant sur des examens EEG et des potentiels évoqués.
Toujours dans cette optique, une autre piste explorée consiste à mesurer l’activation du nerf vague et les doses de stimulation nécessaires à partir de potentiels évoqués (P300 ou potentiels évoqués laryngés) ou encore en mesurant le diamètre pupillaire.
Enfin, une étude se penche sur le locus coereleus, un noyau sous-cortical situé dans le tronc cérébral, qui est impliqué dans le mécanisme d’action de la VNS. En partenariat avec la firme « Synergia Medical », une séquence IRM spécifique a été élaborée afin de visualiser cette partie du cerveau. Des différences anatomiques du locus coereleus pourraient constituer un critère pour déterminer les patients mieux à même de répondre à la VNS.
Vers une stimulation VNS en boucle fermée
Au sein de l’Institut des Neurosciences de l’UCLouvain (IoNS), plusieurs études fondamentales sont menées sur des modèles de rats afin d’améliorer la compréhension de la VNS. Des changements notables de l’activité du nerf vague ont notamment été mis en évidence au moment de crises épileptiques. Ces données pourraient aider à une nouvelle approche de détection des crises et présentent des perspectives considérables dans le cadre du développement de thérapie plus intelligente, c’est-à-dire en boucle fermée. Plusieurs recherches en cours enregistrent l’activité du nerf vague pendant différents types de crises avec de nouvelles méthodes.
D’autres travaux se consacrent aux liens unissant la VNS et les SUDEP (Sudden Unexpected Death in Epilepsy), des complications souvent observées chez les patients épileptiques réfractaires. Ils se focalisent sur les changements se produisant au niveau de la ventilation centrale de rats dont l’épilepsie a été induite et de l’éventuel effet protecteur de la VNS.
Centre de l’épilepsie réfractaire des Cliniques Saint-Luc
Le centre comprend une équipe d’une dizaine de personnes directement impliquées dans les différents projets de cherche.
Ces dernières bénéficient du soutien de différents institutions partenaires : Welbio, FNRS, Innoviris (Région Bruxelles-Capitale), la Région Wallonne, Fondation Médicale Reine Elisabeth (FMRE) et la Fondation Saint-Luc.
Du 13 au 18 mars, l’UCLouvain et son l’Institut de neuroscience (IoNS), l’asbl Arte-Fac, UCLouvain culture, des collectifs étudiants, la commune de Woluwe-Saint-Lambert, Scienceinfuse et l’UDA ont invité le grand public à questionner la « biodiversité des intelligences » lors de la Semaine du cerveau.